Le jour se lève sur la petite commune d’Yvrac, à quelques encablures de Bordeaux. À peine a-t-on quitté la ville que la nature reprend ses droits sur l’architecture. Aux immeubles se substituent les vignobles, le long de la route, jusqu’à notre destination du jour : le Château du Lort. Derrière le majestueux portail s’ouvre le domaine viticole. À mesure que l’on s’avance vers le corps de ferme, la fraîcheur matinale et les nuages semblent se lever. La voiture suit le chemin qui serpente entre les rangs de vignes et leurs fruits déjà bien mûrs. Un, deux, trois virages sont nécessaires avant de voir se dessiner la propriété de la famille Castel, demeure historique du XVIe siècle.

Dans ce vignoble d’un seul tenant, la feuille de vigne s’étend à perte de vue en cette fin d’été. On distingue les voix de Cédric Pla, directeur des châteaux Castel et Stéphane Rouxel, responsable viti-vinicole. Les deux hommes foulent la terre en contrôlant la maturité des fruits qu’il va bientôt falloir cueillir. La vendange approche à grands pas. Alors que septembre pointe le bout de son nez, il ne faudra pas plus de dix jours pour que les pieds soient libérés de leurs grappes. L’été a été difficile. Il a fait très chaud et la pluie n’a cessé d’intervenir entre les pics de mercure. Une météo qui plait par contre au pire ennemi du raisin : le mildiou, une maladie causée par un champignon. « La pression de la maladie était très forte cette année. Il a fallu être vigilant », commente Stéphane Rouxel. Plus que l’an dernier, le vigneron a dû veiller au grain toute la saison et rester au chevet de sa récolte.

UN VIN QUI REFLÈTE LA NATURE

Stéphane Rouxel note tout de même qu’il a plutôt de la chance : le Château du Lort bénéficie d’un environnement naturel qui lui assure une forme de protection. Il n’est pas mitoyen d’une autre propriété viticole. Sa seule voisine est une forêt aux airs de poumon vert. Elle lui garantit un microclimat et le préserve des vents trop intenses qui pourraient lui amener des champignons venus d’autres domaines. Surtout, elle lui évite depuis toujours un autre ennemi : le gel. « Même en 1991, alors que toute la région a gelé, le château du Lort a été épargné », sourit Cédric Pla.

Dans la bouche des gens qui travaillent au Lort, le terme « nature » est un leitmotiv. « Pour qu’une vigne soit belle et bien établie, elle a besoin d’un sol vivant. C’est pour cela que depuis cinq ans, on a progressivement arrêté les herbicides. Aujourd’hui, on ne travaille plus qu’avec des engrais organiques, et on cherche à extraire le cuivre des sols via des plantes qui en absorbent les excès », explique Cédric Pla.

Être respectueux du terroir est primordial. À l’image du vignoble bordelais qui s’ouvre de plus en plus à la question environnementale, le Château du Lort chérit sa terre et veut la conserver. Le domaine fait même partie des précurseurs de la région puisqu’il détient le label Terra Vitis depuis 2012, ainsi que la certification HVE.

Sur les cinquante hectares de terrain que compte le domaine, vingt-deux sont plantés en raisins, avec une majorité de Merlot (70 %), du Cabernet Sauvignon (10%) et du Petit Verdot (20 %). Ces deux derniers seront vendangés au dernier moment, pour les laisser bénéficier de l’arrière saison, gagner en aromatique et venir donner une couleur intense au vin. « Autrefois, le Cabernet et le Petit Verdot ne mûrissaient pas bien dans la région, rappelle Stéphane Rouxel. Ils donnaient un aspect austère au vin, avec des notes de poivron vert. » Mais le réchauffement climatique est passé par là, leur permettant désormais de mûrir à la perfection.

« L’objectif est que l’élevage sous bois donne de la valeur au fruit, pas qu’il l’écrase. »